Me Jean-François Bodet

Me Fatima Gajja-Benfeddoul

Avocats Spécialistes en Droit de la Famille

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Sauvons nos juges : coup de gueule

L’histoire rapporte que Napoléon 1er, assistant à l’une des réunions du Conseil d’Etat visant aux travaux préparatoires du Code Civil aurait lancé : «  les familles sont les pépinières de l’Etat » ajoutant d’ailleurs non sans orgueil : « Ma gloire n’est pas d’avoir gagné 40 batailles… ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code Civil. »

Quel homme politique contemporain pourrait aujourd’hui afficher de si nobles intentions ?

La famille est aujourd’hui considérée comme une charge budgétaire et non comme le noyau de la démocratie, alors qu’elle est le lieu irremplaçable de l’évolution du citoyen, de son éducation et de sa culture comme de l’avenir de l’Etat.

JugeC’est ce que je déplore, et j’en veux deux exemples :

Le droit de la famille a été réformé par pans entiers entre les années 60 et les années 90 : divorce, filiation, régimes matrimoniaux, successions, il n’y a pas une parcelle du droit de la famille qui n’ait été retouchée, repeinte, réactualisée pour rendre ce droit conforme à la société  du XXème siècle.

Mais toute cette évolution nécessaire s’est faite autour du rôle du juge qui est toujours resté, dans la philosophie de ces grandes réformes, l’arbitre naturel de l’ordre public familial, le protecteur des intérêts de tous au sein de la famille, et le protecteur de l’enfance en danger.

Or, les années 2000 ont vu arriver un nouveau phénomène qui est celui de la « déjudiciarisation » au profit d’autres institutions : associations de médiation, droit collaboratif, conciliateurs de justice etc…

L’idée affichée est toujours d’apaiser le climat social, d’éviter les conflits familiaux autant que faire se peut, et cela est évidemment très honorable.

Mais on sait bien sûr que l’arrière pensée, pourtant très évidente, est de réduire toujours davantage le budget de la justice et d’éviter au maximum le recours au juge.

Le divorce « sans juge » par convention d’avocat en est l’exemple premier, mais il y a mieux :

L’assemblée nationale se penche actuellement sur le projet de loi JUSTICE dans lequel on peut lire que l’audience de conciliation, qui est jusqu’à présent le préalable de tout divorce judiciaire, serait purement et simplement supprimée alors que c’est précisément dans cette instance que se discutent notamment les questions de protection des enfants et de pension alimentaire pour maintenir la cohésion et la solidarité familiale.

De la même manière, il est question que le juge ne puisse plus être ressaisi pour la réévaluation des pensions alimentaires après divorce, cette tâche incombant désormais… aux caisses d’allocations familiales !

Les avocats dénoncent à juste titre une « robotisation de la justice » et « une atteinte aux droits de la défense » mais il faut également je crois dénoncer une conséquence plus grave : Plus on rogne sur les pouvoirs du juge, plus on lui soustrait de tâches, plus la démocratie s’affaiblit, entraînant une véritable rupture d’égalité du citoyen devant la Loi.

Et je veux encore me faire l’écho de ces quinze juges des enfants du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY qui font paraitre dans la presse du 5 novembre dernier un manifeste dénonçant un manque de moyens dans la protection de l’enfance. Ils estiment être devenus des juges fantoches, impuissants devant les problèmes qu’ils sont amenés à traiter puisque les services de l’action sociale ont tellement peu de moyens qu’un délai de 18 mois est parfois nécessaire avant qu’une décision puisse recevoir exécution.

Car en définitive, soustraire au juge ses pouvoirs naturels, ou l’harasser de travail en l’empêchant d’être utile faute de moyens, ce sont les deux faces d’une même médaille… bien peu rutilante.

Quel homme politique moderne, quel président de la République, quel ministre saura nous donner un éclairage nouveau sur ce pilier de l’état, cette organisation sociale en miniature qu’est la famille, sans la traiter uniquement sous le prisme de l’argent ?

J’attends…

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